Les parapharmacies regorgent de traitements antihémorroïdaires, tant sous forme de soins topiques (gel, crème, pommade) que de comprimés ou de gélules. Il est donc bien compliqué, lorsqu’on est atteint de maladie hémorroïdaire, de faire un choix avisé. La gamme Emoflon, commercialisée par le laboratoire Servier, fait d’ailleurs souvent partie de l’offre des officines.
Que penser de ce duo de produits – pommade rectale et suppositoires ? Voici un avis Emoflon complet, basé sur la littérature scientifique. 

Sommaire

Avis Emoflon – qu’est-ce qu’Emoflon ?

Débutons cet avis sur Emoflon en examinant sa classification paramédicale, son principe, sa posologie et les conditions générales de son utilisation. 

Classification du duo pommade-suppositoires Emoflon

La gamme Emoflon consiste en un duo de produits, une pommade rectale et des suppositoires. Les deux sont catégorisés en dispositifs médicaux (DM) de classe IIa et bénéficient d’un marquage CE. À cet égard, ils ne sont pas remboursés par la Sécurité Sociale française et peuvent être vendus en pharmacie et parapharmacie. 

Les dispositifs médicaux se distinguent des médicaments par leur mode d’action : 

• ils ne sont pas pharmacologiques, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas censés interférer sur les processus biologiques ou pathologiques de sorte de produire un effet thérapeutique ;
• ils sont non immunologiques et non métaboliques, c’est-à-dire qu’ils n’ont aucun impact sur l’immunité ou le métabolisme cellulaire.

"Servier, fabricant des produits Emoflon [...] a donc décidé la voie de la relative facilité pour commercialiser Emoflon."

Le principal avantage d’opter pour une classification en DM est que la réglementation qui régit la commercialisation dudit DM, bien que stricte, est nettement moins lourde que celle régissant la mise sur le marché d’un médicament.

Servier, fabricant des produits Emoflon (mais aussi de Daflon qui lui, est classé comme un médicament), a donc décidé la voie de la relative facilité pour commercialiser Emoflon. 

Avis Emoflon : utilisation et posologie 

À présent, évoquons l’utilisation de la pommade rectale et des suppositoires Emoflon.

S’agissant de la pommade rectale :

• elle se présente sous la forme d’un tube et d’un applicateur plastique à visser, pour une introduction anale plus aisée ;
• la pommade peut être appliquée sur la marge anale (hémorroïdes externes) ou dans le rectum (hémorroïdes internes) ;
• il est recommandé de l’utiliser une à deux fois par jour, après défécation et toilette ;
• la dose à appliquer doit être maîtrisée – une noix de la taille d’un petit pois ;
• le traitement peut s’étendre sur 4 semaines, mais le fabricant conseille de consulter un médecin si les symptômes ne cèdent pas après 1 à 2 semaines d’application. 

S’agissant des suppositoires :

• ils se présentent sous forme de plaquettes prédécoupées en alvéoles, chaque alvéole contenant un suppositoire ;
• l’introduction du suppositoire doit avoir lieu après une toilette ou un bain de siège préalable, une à deux fois par jour ;
• l’utilisateur doit s’assurer que l’emballage du suppositoire est intact et que le produit n’est pas endommagé ;

Avis Emoflon : précautions d’utilisation, contre-indications et effets secondaires

La pommade rectale Emoflon ne doit pas être administrée à des enfants et ne doit être utilisée ni en cas de rectorragies, ni en cas d’hypersensibilité connue à l’un de ses ingrédients. Toutefois, et contrairement à de nombreux autres antihémorroïdaires, elle peut être employée par les femmes enceintes et allaitantes (sous réserves d’un avis médical). 

"contrairement à de nombreux autres antihémorroïdaires, elle peut être employée par les femmes enceintes et allaitantes (sous réserves d’un avis médical)"

Le fabricant souligne que l’utilisation à long terme peut engendrer des réactions d’hypersensibilité, qui viendraient nourrir la symptomatologie, déjà inconfortable, de la maladie hémorroïdaire. Ainsi, un usage prolongé pourrait causer des brûlures, des démangeaisons, des douleurs et/ou un érythème. 

L’emploi des suppositoires Emoflon présuppose les mêmes précautions d’utilisation, contre-indications et effets secondaires. En outre, le fabricant spécifie bien que :

• les suppositoires ne doivent ni être avalés, ni être introduits dans le vagin ;
• leur utilisation implique une hygiène des mains – les substances utilisées dans la fabrication des suppositoires peuvent être irritantes lorsqu’au contact des yeux, de la bouche et des muqueuses.

"un usage prolongé pourrait causer des brûlures, des démangeaisons, des douleurs et/ou un érythème"

Pommade et suppositoire Emoflon : que dit leur composition ?

Passons à présent à l’analyse complète de la composition des produits Emoflon.

Avis Emoflon pommade rectale : que contient-elle ?

La liste des composants de cette pommade à usage rectal est la suivante¹ :

Sucralfate

Le sucralfate est un mélange de sulfate d’aluminium et de saccharose, couramment employé en pharmaceutique. En effet, la solution forme un gel protecteur et est à ce titre utilisé pour protéger les muqueuses digestives en cas d’ulcère, de reflux gastro-œsophagien ou toute autre état inflammatoire stomacal². On retrouve donc souvent du sucralfate dans les solutions buvables. 

Des soins topiques à base de sucralfate sont aussi élaborés, notamment pour traiter les affections inflammatoires cutanées (réaction post-radiothérapie, dermatite fessière des bébés, infection des plaies, ulcères…). Et il est prouvé que le sucralfate est un composant intéressant, car il présente des bénéfices cliniques : réduction de la sensation de brûlure et soulagement de la douleur³. Il a donc toute sa place dans une pommade rectale apaisante des hémorroïdes.

Beurre de cacao

Second composé de la pommade anti-hémorroïdes Emoflon : le beurre de cacao, c’est-à-dire la matière grasse issue de la presse de fèves de cacao. Il est souvent utilisé dans les produits cosmétiques, comme les baumes, mais aussi parapharmaceutiques. Longtemps utilisé pour fabriquer les suppositoires, il a peu à peu été remplacé par d’autres composants plus stables et sans risque de surfusion. 

"Le beurre de cacao comporte donc un réel intérêt"

Toutefois, le beurre de cacao présente des qualités antioxydantes et anti-inflammatoires (richesse en composés bioactifs) et contribue ainsi à la cohésion cutanée⁴. Dans le cas des poussées hémorroïdaires, dues à une inflammation des veines hémorroïdales, le beurre de cacao comporte donc un réel intérêt.  

Lanoline

La lanoline est par définition une substance d’origine animale, issue du raffinage du suint des moutons. Servier, dans la composition d’Emoflon, précise que sa pommade contient de la lanoline végétale. Elle ne devrait pas être nommée comme telle, mais plutôt comme substitut végétale de lanoline – fabriqué à partir de plantes et consistant en des polyglycérides d’acides gras. 

Cette précision étant faite, les principales qualités de la « lanoline végétale » est son caractère émollient (elle assouplit et adoucit la peau), filmogène (préservation du film hydrolipidique cutané) et émulsifiant (elle stabilise les formules). En outre, elle n’est pas un potentiel allergène, comme son pendant d’origine animal.

Dans le cas d’un traitement d’appoint de la crise hémorroïdaire comme Emoflon, l’avantage de la « lanoline végétale » est surtout d’adoucir la sphère ano-rectale – soulager le prurit anal et les irritations.

Vaseline blanche

Emoflon pommade contient également de la vaseline blanche. Il s’agit d’un dérivé d’hydrocarbures saturés, qui se présente comme une substance pâteuse et onctueuse. En cosmétique comme en pharmaceutique, elle est surtout utilisée comme un occlusif – elle assouplit la peau mais permet surtout de drastiquement réduire la perte hydrique cutanée⁵.

Précisons également que la vaseline blanche est la plus raffinées des vaselines et qu’elle est moins susceptible de contenir des impuretés que des vaselines moins raffinées (jaune, ambrée, noire). Elle n’est pas classifiée cancérogène par l’Organisation Internationale du Travail⁶ mais elle reste un produit issu de la pétrochimie, qu’il convient d’apprécier comme tel. 

"produit issu de la pétrochimie [...] un ingrédient synthétique et ultra transformé"

Son utilité dans un soin antihémorroïdaire est loin d’être absolue : elle apporte certes de l’onctuosité aux pommades rectales et permet de maintenir la bonne hydratation de la zone anale. Néanmoins, elle demeure une huile minérale, à l’instar du petrolatum, donc un ingrédient synthétique et ultra transformé.

Cire d’abeille blanche

Autre composant d’Emoflon : la cire d’abeille. Cire naturelle, elle est sécrétée par les abeilles et contient essentiellement des esters d’acides gras. Comme tous les autres produits de la ruche, elle est prisée pour son activité antimicrobienne. Combinée avec d’autres ingrédients naturels (comme l’huile d’olive), elle est particulièrement efficace pour soigner les affections cutanées comme la dermatite atopique, le psoriasis et la dermatite fessière⁷.

"la cire d’abeille [...] prisée pour son activité antimicrobienne"

Dans le cas des hémorroïdes et des fissures anales, la cire d’abeille est intéressante : il a été démontré qu’associée au miel et à l’huile d’olive, elle pouvait réduire l’inflammation localisée, doper  la microcirculation et favoriser la cicatrisation, de par sa richesse en actifs antioxydants⁸. Elle a donc toute sa place dans la composition d’un soin antihémorroïdaire. Seul bémol : elle ne convient pas aux personnes vegan, puisque d’origine animale.

Caprylyl glycol

Le caprylyl glycol est un alcool issu de l’acide caprylique. Ce dernier peut autant être d’origine animale (lait de certains mammifères), synthétique ou végétal (extrait de l’huile de palme ou de coco)⁹. Il est couramment utilisé dans les soins dermatologiques, principalement pour ses qualités humectantes et adoucissantes. Mais il permet également de bien conserver les formules, car il est antifongique¹⁰. À cet égard, il est un bon substitut au phenoxyéthanol, perturbateur endocrinien notable¹¹.

S’agissant du traitement des poussées hémorroïdaires, le caprylyl glycol ne présente pas un intérêt notable, si ce n’est de calmer les irritations et démangeaisons affectant la sphère anale. 

Extrait de Calendula

Autre composant d’Emoflon pommade : le Calendula, nom scientifique du souci. Le souci officinal (Calendula officinalis) est une plante aux multiples propriétés thérapeutiques, de par sa teneur notable en caroténoïdes, terpénoïdes, flavonoïdes, coumarines et acides phénoliques. Ainsi, il est anti-inflammatoire, antioxydant, cicatrisant et antibactérien. Il s’agit donc d’un composant de choix dans les préparations antihémorroïdaires, car il permet de traiter les causes fondamentales des hémorroïdes¹².  

"composant de choix [...] car il permet de traiter les causes fondamentales des hémorroïdes"

Extrait de camomille

Emoflon contient un autre ingrédient naturel : la camomille. Toutefois, la composition officielle de la pommade de mentionne pas s’il s’agit de camomille matricaire ou allemande (Matricaria chamomilla) ou de camomille romaine (Chamaemelum nobile), qui sont deux plantes d’un genre distinct.

Si l’on part du postulat qu’il s’agit de camomille matricaire, la plante dispose d’une activité antioxydante et anti-inflammatoire notable, de par sa composition chimique élaborée (polyphénols, flavonoïdes). En outre, elle est bénéfique aux vaisseaux sanguins – elle permet de contrôler la pression sanguine et renforce la paroi des veines, ce qui est particulièrement utile en cas de maladie hémorroïdaire¹³. 

Si l’on assume au contraire qu’il s’agit de camomille romaine, elle est moins riche en composés anti-inflammatoires et antioxydants. Toutefois, elle n’en est pas dénuée et elle est à ce titre employée pour ses qualités adoucissantes, antiprurigineuses, cicatrisantes¹⁴ et analgésiques¹⁵.

Aussi, et quel que soit le type de camomille employé dans l’élaboration de la pommade Emoflon, celle-ci contribue à apaiser la symptomatologie de la pathologie hémorroïdaire, en réduisant l’inflammation des veines hémorroïdales et/ou en amoindrissant les douleurs et démangeaisons anales.

Extrait d’hamamélis

Dernier composant de la pommade Emoflon, l’hamamélis (Hamamelis virginiana). Elle a pour réputation de soigner hémorroïdes et varices, conséquences de l’insuffisance veineuse.
Cette réputation est fondée : les substances antioxydantes (tanins, polyphénols, flavonoïdes, proanthocyanes…) qu’elle renferme contribuent à améliorer la microcirculation, le tonus veineux et la résistance des capillaires sanguins. Elle est à ce titre très utilisée en phytothérapie et pharmaceutique. Elle a donc toute sa place dans une pommade rectale ou dans des suppositoires antihémorroïdaires¹⁶. 

Avis Emoflon suppositoires : quid de leur composition ?

Passons maintenant à la formulation des suppositoires Emoflon, qui se décline comme suit¹⁷ :

Elle diffère peu de la composition de la pommade, à une exception près : la présence de Witepsol W25, qui est une cire à couler destinée à la fabrication des suppositoires. 

Ce corps gras solide consiste en un mélange de mono-, di- et triglycérides saturés, généralement d’origine végétale et animale. Il n’est donc pas un composé vegan. Les avantages du Witepsol sont qu’il est un support stable (pas d’interférence avec les principes actifs de la formule), que sa fusion est longue (dissolution lente après administration, pour une action plus diffuse)¹⁸, qu’il ne présente pas de risque de surfusion (contrairement au beurre de cacao), qu’il se conserve bien et qu’il absorbe plus de liquides hydrophiles, pour une meilleure tolérabilité¹⁹. 

À ce jour, aucune étude ne remet en cause l’innocuité de l’excipient, qui est donc communément utilisé par l’industrie pharmaceutique.

Avis Emoflon : mécanisme d’action et efficacité

La pommade et les suppositoires Emoflon, de par leurs composants lubrifiants et adoucissants, permettent d’amoindrir l’inconfort associé à la maladie hémorroïdaire (notamment le prurit, les sensations de brûlures et les irritations). On peut aussi escompter un effet positif sur la défécation : le canal recto-anal étant bien lubrifié, les selles sont expulsées plus facilement, si bien que les hémorroïdes et tissus de soutien n’en sont pas irrités.

En outre, ces produits sont d’intéressants soins des hémorroïdes car ils contiennent des composants naturels reconnus pour leurs qualités veinotoniques, antalgiques, anti-inflammatoires et cicatrisantes.

Toutefois, notons que ces derniers (surtout les extraits de plantes) figurent en fin de composition (tant pour la pommade que pour les suppositoires), ce qui signifie que les quantités présentes dans chaque formule est faible, voire anecdotique. Servier se garde d’ailleurs bien de mentionner des dosages précis, si bien que l’on peut se demander si ces extraits de plantes ont un effet significatif.

Enfin, les produits Emoflon :

• ne sont pas 100% naturels et contiennent des substances dérivées du pétrole (comme la vaseline) ;
• ne sont pas vegan – présence de cire d’abeille, de caprylyl glycol et de witepsol (potentiellement d’origine animale) ;
• sont des dispositifs médicaux, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas certifiés comme médicaments et ne peuvent prétendre soigner une maladie.

Avis Emoflon : conclusion

Il est difficile d’affirmer que la pommade rectale et les suppositoires Emoflon puissent être des solutions fiables et de long terme face à la souffrance hémorroïdaire. Ces dispositifs sont plutôt de bons palliatifs, permettant sans doute de trouver un apaisement passager aux douleurs, prurit et irritations anaux, sans pour autant les soigner réellement. 

"bons palliatifs, permettant sans doute de trouver un apaisement passager aux douleurs, prurit et irritations anaux, sans pour autant les soigner réellement"

"la maladie hémorroïdaire [...] ne peut être soignée par la simple application locale d’une crème"

Aussi, si vous souhaitez atténuer l’inconfort hémorroïdaire dont vous souffrez sur une courte durée, et n’êtes pas réfractaire à utiliser des produits contenant des huiles minérales et non vegan, la gamme Emoflon peut convenir.

"la maladie hémorroïdaire [...] impose, pour être traitée convenablement, des modifications substantielles de son mode de vie"

Lisez nos autres avis sur les traitements contre les hémorroïdes les plus connus en France.

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Sources

1. VIDAL, EMOFLON pom rect ↩︎
2. Sucralfate ↩︎
3. 2022, Abtahi-Haeini et al., Topical sucralfate for treatment of mucocutaneous conditions: A systematic review on clinical evidences ↩︎
4. 2014, Scapagnini et al., Cocoa Bioactive Compounds: Significance and Potential for the Maintenance of Skin Health ↩︎
5. Vaseline ↩︎
6.  ILO,  VASELINE (BLANCHE) ↩︎
7. 2016, Fratini, Beeswax: A minireview of its antimicrobial activity and its application in medicine ↩︎
8. 2005, Al-Waili et al., The Safety and Efficacy of a Mixture of Honey, Olive Oil, and Beeswax for the Management of Hemorrhoids and Anal Fissure: A Pilot Study ↩︎
9. INCI, CAPRYLYL GLYCOL ↩︎
10. Caprylique (acide) ↩︎
11. 2009, Varvaresou, Papageorgiou, Efficacy tests of alternative preservatives in combination with phenoxyethanol for-development of safe cosmetic products for children ↩︎
12. 2023, Shahane et al., An Updated Review on the Multifaceted Therapeutic Potential of Calendula officinalis L. ↩︎
13. 2022, Bhattacherjee et al., Therapeutic and ethnopharmacological role of chamomile and its holistic impact on genomics – a comprehensive review ↩︎
14. 2018, Kazemian et al., In vivo Antibacterial and Wound Healing Activities of Roman Chamomile (Chamaemelum nobile) ↩︎
15. 2019, Aremu et al., Phytochemical composition, and analgesic and antiinflammatory properties of essential oil of  Chamaemelum nobile  (Asteraceae L All) in rodents ↩︎
16. 2013, Qinna, Safety profile of suppository Hamamelis virginiana leaf extract ↩︎
17. VIDAL, EMOFLON suppos ↩︎
18. Witepsol ↩︎
19. 2008, Pharmacie galénique, Chapitre 4 Formes pharmaceutique des voies transmucosales ↩︎